Le crash des ocreries

Cette page de l’histoire de Saint Georges sur la Prée, prend naissance dans la nuit des 10 au 11 juillet 1944 .

Cette année-là, notre pays, comme une grande partie de l’Europe, est en guerre. L’Allemagne, dirigée par le chancelier Adolf Hitler, a envahit une partie de notre continent.

Depuis l’été 1940, la France est sous le joug des nazis et y restera jusqu’en 1945 ou, avec l’aide des pays amis et des organisations de résistance françaises, elle repoussera l’ennemi hors de ses frontières.

Pour y parvenir, il faudra une montée en puissance des forces  alliées, s’appuyant  sur  des filières de maquis de proximités qui vont jouer un rôle déterminant, non seulement pour l’aboutissement de l’armistice tant attendu, mais également  pour la conclusion  du présent récit.

Au mois de juin 1944, les forces aériennes  alliées sont principalement stationnées sur divers terrains d’aviation d’Angleterre, sous le commandement de la RAF (Royal Air Force).

Toutes les nuits, des escadrilles  décollent du Royaume-Uni  pour des missions de surveillance mais aussi de bombardement des installations militaires allemandes implantées en France dont  les axes ferroviaires facilitant les déplacements de la Wehrmacht.

Les pilotes de ces avions alliés sont anglais, canadiens, américains, polonais, belges ou d’autres nationnalités et sont fermement déterminés à redonner à la France sa Liberté, à retrouver la Paix dans une Europe fraternelle.

Ainsi, dans la nuit des 10 et 11 juillet 1944, à 0h40, quatorze bombardiers légers, Mosquitos VI,  de la RAF, essentiellement pilotés par des aviateurs d’origine polonaise, décollent du petit aéroport de Lasham à quelques encablures de Londres, avec pour mission de reconnaître, voire de bombarder les installations allemandes de l’axe ferroviaire Orléans et Limoges.

Au-dessus de la gare de Vierzon, l’un des Mosquitos, piloté par le capitaine Edward Suszynski avec à son bord un navigateur, le commandant  Julian Lagowski, essuie les feux de la DCA allemande.

Le commandant Lagowski, seul rescapé de ce crash témoignera des années plus tard….

«  …. Soudain, alors que nous étions juste au-dessus de la gare de Vierzon, nous avons été surpris et aveuglé par la lumière de réflecteurs anti-aériens. Tout autour de l’avion fusaient d’innombrables tirs d’artillerie ennemie ainsi que des balles de mitraillettes.

Afin de dégager l’avion de cette épaisseur de lumière ainsi que du feu, j’ai crié à Edward (pilote) «  tourne à droite.. ».

Au même instant j’ai entendu le bruit du choc d’un obus touchant l’avion. Les lumières se sont éteintes : Tout se passa vers 1h 30.

Les moteurs fonctionnaient encore correctement et au moment même où je me disais que notre Mosquitos n’était pas sérieusement endommagé, j’ai vu dans la nuit noire, sur le flanc de mon moteur gauche, un reflet de feu du moteur droit. J’ai crié à Edward, «  je crois que nous brûlons ». Il a pris alors de la hauteur et après quelques secondes il s’écria  «  … saute…saute.. » en pilotant l’avion sans inclinaison, ce qui m’a donné la possibilité d’effectuer mon saut en sûreté.

J’ai alors attaché mon parachute et essayé d’ouvrir la porte de sortie qui se trouvait juste à ma droite,  malheureusement sans succès. Je me suis alors rappelé que dans le temps je jouais au football dans l’équipe représentant la Force Ouvrière de Pologne. J’ai alors donné un coup de pied à la serrure et la porte s’est détachée.

J’ai sauté et j’ai vu une grande traînée de flammes à l’arrière du moteur. J’ai tiré sur la poignée ouvrant le parachute et j’ai senti une secousse due à la coupole du parachute qui se remplissait d’air.

J’étais suspendu dans les airs, attaché par des harnais à la coupole du parachute : après un moment, mes pieds ont touché le sol,.. j’étais sain et sauf !

En me détachant du harnais, je surveillais ce que devenait l’avion : Il volait encore en ligne droite sans perdre de hauteur. Puis, à un moment il a piqué du nez brutalement, en pente raide, a pu se rééquilibrer juste avant de toucher le sol.

Probablement qu’Edward n’a pas réussi à se dégager de l’avion en essayant d’atterrir.

Malheureusement, lorsque l’avion toucha terre, à peine avait-il roulé sur quelques dizaines de mètres  qu’il prit feu avec des flammes gigantesques.

J’ai alors entendu des détonations venant des obus et des mitraillettes qui se trouvaient dans l’avion.

Les flammes agonisaient petit à petit : Arrivé à proximité de l’avion espérant qu’Edward ait survécu, j’ai appelé plusieurs fois, « Edward…Edward… »  mais bien sûr je n’ai reçu aucune réponse.

J’ai enroulé les attaches du parachute dans la toile et je l’ai caché dans un buisson en espérant empêcher les allemands d’aller à ma recherche. J’ai tourné le dos à l’avion en feu et je me suis mis à marcher aussi vite que j’ai pu en direction du sud-ouest….. ».

Au petit matin, la population découvrit les restes du Mosquitos dans un champ de betteraves, à deux cent mètres des Ocreries ; Il ne restait que la carcasse calcinée de l’avion, et, à quatre-vingt mètres , le corps du pilote qui avait vraisemblablement tenté de sauter au dernier moment… sans son parachute.

Julian Lagowski, le navigateur rescapé, a ensuite longuement marché : Il sera recueilli par plusieurs familles, pris en mains par un réseau de Résistance de la région de Genouilly  dirigé par le lieutenant Daniel Belliard de la compagnie Wolfer qui le confia ensuite à Pearl Witherrington, lieutenant « Pauline », une jeune anglaise qui dirigeait un réseau de rapatriement dans la région Indre, Cher et Loir-et-Cher.

Après avoir vérifié l’authenticité de la personnalité de l’aviateur, Pauline le dirigea vers une ferme des environs de Maray où la famille Steegmens le cachera pendant plus d’un mois.

C’est une patrouille américaine, qui le récupérera pour le diriger vers un petit aérodrome, au nord de la Loire, d’où il rejoindra sa base aérienne de Lasham.

Ce texte a été rédigé par Jacques BLONDEAU, adjoint au maire de Saint Georges sur la Prée pendant 23 ans et auteur d’une brochure dédiée à cet événement que vous pouvez vous procurer en mairie ou à l’épicerie.

Une stèle située aux Ocreries, rue de la jorandière, marque l’emplacement du crash